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Génétique Moléculaire des Immunoglobulines

Professeurs Marie-Paule LEFRANC et Gérard LEFRANC

Université de Montpellier et Laboratoire d'ImmunoGénétique Moléculaire, LIGM, UPR CNRS 1142, Institut de Génétique Humaine,
141 rue de la Cardonille, 34396 Montpellier Cedex 5 (France)
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E-mail Marie-Paule.Lefranc@igh.cnrs.fr, IMGT: http://www.imgt.org
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Liste des figures

Introduction

Les immunoglobulines (figure 1) comprennent deux chaînes lourdes identiques associées à deux chaînes légères identiques, kappa ou lambda. Chez l'homme, les gènes des chaînes lourdes (locus IGH), les gènes des chaînes légères kappa (locus IGK) et les gènes des chaînes légères lambda (locus IGL), sont respectivement situés sur les chromosomes 14 (14q32.3), 2 (2p11.2) et 22 (22q11.2). La synthèse des immunoglobulines nécessite des réarrangements des gènes des locus IGH, IGK et IGL durant la différenciation des lymphocytes B.

Synthèse des chaînes légères kappa et lambda

Prenons, pour exemple, la synthèse des chaînes légères qui nous permettra, par sa relative simplicité, de nous familiariser avec les processus de réarrangements de l'ADN et de maturation de l'ARN messager. Chronologiquement cependant, dans les cellules pré-B, la biosynthèse de la chaîne lourde précède celle de la chaîne légère.

Réarrangement V-J des locus IGK et IGL

Le locus kappa (IGK) et le locus lambda (IGL) comportent de nombreux gènes variables (V) : chez l'homme le locus IGK comprend 76 gènes IGKV dont 34 à 37 sont fonctionnels et appartiennent à 5 sous-groupes, le locus IGL comprend 70 à 74 gènes IGLV dont 29 à 35 sont fonctionnels et appartiennent à 10 sous-groupes. Chaque gène V (figure 9) code la majeure partie de la région variable d'une chaîne légère (V-REGION) (94 à 108 acides aminés selon le gène, ainsi que quatre acides aminés du peptide signal (L-PART2). Le reste (15 à 18 acides aminés) du peptide signal est codé par un petit segment d'ADN (L-PART1) situé en 5' et séparé de chaque gène V par un court intron d'environ 100 à 400 paires de bases (le peptide signal permet le passage de la chaîne légère dans la cavité du réticulum et il est ensuite éliminé par une peptidase). Les douze et treize derniers acides aminés de la région variable des chaînes lambda et kappa, respectivement, sont codés par un gène de jonction (J). Il existe cinq gènes IGKJ situés en 3' des gènes IGKV et à 2,5 kilobases (kb) en 5' de l'unique gène IGKC codant la région constante (C) de la chaîne légère kappa. La situation est différente pour le locus lambda où sept gènes IGLC ont été détectés en tandem sur une distance de 50 kb. Le nombre de gènes IGLC varie chez l'homme, de 7 à 11, dont 4 au moins sont fonctionnels et responsables des isotypes Mcg, Kern-Oz-, Kern-Oz+ et Kern+Oz-. Chaque gène IGLC fonctionnel est précédé, en 5' d'un gène IGLJ situé à 1,5 kb.

Dans les lymphocytes B exprimant des immunoglobulines de membrane et dans les plasmocytes producteurs d'anticorps, où la synthèse de chaînes légères est très active, un gène V est contigu à un gène J : cette jonction V-J résulte d'un réarrangement des séquences d'ADN correspondantes qui s'accompagne de la délétion du fragment initialement présent entre ces deux séquences V et J (figure 2).

Le réarrangement V-J se fait grâce à des signaux de jonction heptamère-nonamère (figure 3) reconnus par l'enzyme recombinase. Chaque gène V est suivi par un heptamère de séquence CACAGTG et un nonamère de séquence consensus, ACAAAAACC, séparés par un intervalle de 12 nucléotides. De même, les gènes J sont précédés d'un nonamère de consensus GGTTTTTGT et d'un heptamère de consensus CACTGTG, séparés par 23 nucléotides. Les signaux heptamère-nonamère en 3' des gènes V sont des séquences complémentaires des signaux heptamère-nonamère en 5' des gènes J. De plus, les séquences des heptamères présentent une structure palindromique.

Les réarrangements efficaces ont lieu lorsqu'ils font intervenir deux signaux de jonction dont l'un a un intervalle de 12±1 nucléotides et l'autre de 23±1 nucléotides entre l'heptamère et le nonamère (règle dite 12/23). Nous verrons plus loin que des signaux de jonction identiques sont observés pour le réarrangement des gènes du locus IGH.

La diversité considérable des régions variables des chaînes légères des immunoglobulines s'explique:

Chez l'homme, la diversité combinatoire des chaînes kappa est de l'ordre de 155 à 175 combinaisons V-J (31 à 35 gènes IGKV fonctionnels et 5 gènes IGKJ). En ce qui concerne les chaînes lambda, la diversité combinatoire est de l'ordre de 116 à 165 (29 à 33 gènes IGLV fonctionnels et 4 à 5 gènes IGLJ fonctionnels). Mais en tenant compte de la flexibilité des jonctions V-J et des mutations somatiques ce chiffre pourrait être multiplié dans les deux cas par 1000, soit au total 105 chaînes légères.

Transcription d'un gène variable réarrangé V-J et d'un gène C

Un gène variable réarrangé IGKV-J et le gène IGKC (cas d'une chaîne kappa), ou un gène variable réarrangé IGLV-J et le gène IGLC c'est à dire en aval du gène J réarrangé correspondant (cas d'une chaîne lambda) est transcrit en un prémessager. Les séquences d'ARN correspondant aux introns et éventuellement aux gènes J superflus sont ensuite excisées par épissage de façon à produire un ARN messager mature (voir figure 2). Celui-ci est alors traduit en une chaîne légère.

Synthèse d'une chaîne lourde mu

Réarrangements D-J puis V-D-J du locus IGH

La région variable de la chaîne lourde est formée de la même façon que celle des chaînes légères mais les possibilités de diversité sont encore supérieures. En effet, des séquences nucléotidiques supplémentaires, D pour Diversité, situées entre les gènes V et les gènes J, participent à la biosynthèse des régions variables et codent la troisième région hypervariable (CDR3) (leur taille hétérogène explique les variations de longueur observées dans cette région). Dans la configuration non réarrangée dite "germline", on retrouve les signaux de jonction heptamère-nonamère en 3' des gènes IGHV, de part et d'autre des gènes D et en 5' des gènes J (figure 9). Les signaux heptamère-nonamère des gènes IGHV et des gènes IGHJ étant séparés de 23 nucléotides et ceux des gènes IGHD étant séparés de 12 ou 13 nucléotides, la règle 12/23 est respectée (voir figure 3).

Lors de la différenciation des lymphocytes, deux réarrangements de l'ADN sont ainsi nécessaires pour la synthèse d'une chaîne lourde dans les cellules pré-B : jonction de l'un des gènes D à l'un des gènes J, puis jonction de l'un des gènes V à l'ensemble D-J (figure 4). Les réarrangements affectent préférentiellement certains gènes IGHV, IGHD et IGHJ dans les premiers stades de la différenciation des lymphocytes B. Le double réarrangement D-J et V-D-J en augmentant le nombre de combinaisons possibles accroît d'autant la diversité des régions variables des chaînes lourdes. De plus, les gènes D séquencés à ce jour présentent deux ou trois cadres de lecture ouverte (c'est-à-dire ne présentant pas de codon stop) augmentant ainsi la diversité des chaînes lourdes. Enfin, la comparaison des séquences des gènes D dans les cellules-souches et les cellules productrices d'anticorps montre que, fréquemment, un à plusieurs nucléotides de la séquence originelle sont absents et que, inversement des nucléotides supplémentaires (souvent G ou C) sont ajoutés aux jonctions V-D et D-J des chaînes lourdes, formant ainsi des régions dites régions N. En tenant compte de ces observations, Alt et Baltimore ont proposé un modèle pour la jonction D-J (figure 10). Dans une première étape, les deux gènes D et J sont alignés grâce à des protéines se liant à l'ADN. Les quatre brins d'ADN sont coupés exactement à l'extrémité des signaux heptamères adjacente aux séquences codantes D et J. Les gènes D et J sont alors unis l'un à l'autre, les heptamères également. Ceux-ci sont ensuite éliminés sous forme de boucle d'excision comme ceci a été démontré par l'isolement d'ADN extracirculaire. Une exonucléase agissant aux points de coupure des deux autres brins, porteurs l'un de D, l'autre de J, raccourcirait les séquences D et J de quelques nucléotides.

La désoxynucléotidyltransférase terminale (dTT) pourrait alors ajouter des désoxynucléotides aux extrémités 3'. Une ADN-polymérase répliquerait les bases nouvellement ajoutées (région N) et la jonction serait complétée par l'action d'une ligase. Ce modèle est aussi valable pour la jonction du gène V au complexe D-J. Le fait qu'il y ait rarement des bases supplémentaires ajoutées lors de la jonction des gènes des chaînes légères est dû à ce que la jonction V-J des locus IGK et IGL a lieu plus tard que la jonction V-D-J du locus IGH au cours de la différenciation des cellules B, alors qu'il n'y a plus d'activité transférase dTT dans les cellules.

QUESTION
Qu'appelle-t-on nucléotides P ?
Dans quels types de séquences les observe-t-on ?
P-REGION

Les gènes réarrangés subissent des mutations somatiques ponctuelles. Celles-ci ne sont pas limitées aux gènes V mais se produisent aussi dans les gènes D et J et il semble que la réponse primaire tardive s'accompagne de mutations ponctuelles beaucoup plus nombreuses avec, pour résultat, la sélection possible d'anticorps ayant une affinité accrue pour les antigènes.

Chez l'homme, le locus IGH comprend 123 à 129 gènes IGHV selon les haplotypes, dont 38 à 46 sont fonctionnels et appartiennent à 6 ou 7 sous-groupes. Vingt-sept gènes D, dont 23 fonctionnels et neuf gènes JH, dont six fonctionnels, ont été décrits. Les réarrangements permettent de produire de l'ordre de 6 300 recombinaisons (38 à 46 x 23 x 6). Ce chiffre pourrait être multiplié par un facteur de 104 en tenant compte des régions N, des différents cadres de lecture des gènes D et des mutations somatiques. Un organisme dispose donc d'un répertoire potentiel de plus de dix millions (107) de chaînes lourdes et, au total, en tenant compte des chaînes légères, de mille milliards (1012) d'anticorps différents. La limite de ce répertoire théorique considérable est, en fait, le nombre de lymphocytes B dont dispose l'individu.

QUESTION
Est-ce que la création d'un réarrangement V-D-J et V-J dépend de l'existence d'un pathogène dans le corps?
Réarrangements V-J et V-D-J des IG

Transcription d'un gène variable réarrangé V-D-J et du gène Cmu (IGHM)

Un gène variable réarrangé V-D-J et le gène Cmu (IGHM) est transcrit en un prémessager. Les séquences d'ARN correspondant aux introns et éventuellement aux gènes J superflus sont ensuite excisées par épissage de façon à produire un ARN messager mature. Celui-ci est alors traduit en une chaîne lourde mu. La différenciation du lymphocyte débute par l'apparition de chaînes mu dans le cytoplasme d'un lymphocyte pré-B (figure 5). La chaîne mu est associée, dans le lymphocyte pré-B, à deux polypeptides, la chaîne V-préB et une chaîne ayant des homologies avec la région constante des chaînes légères lambda. Cette chaîne est appelée lambda5 chez la souris et lambda-like chez l'homme. L'ensemble V-préB et lambda5 (ou lambda-like) constitue la pseudo-chaîne légère ("surrogate chain") qui, avec la chaîne mu, forme le récepteur pré-B. L'activation du récepteur pré-B entraîne, d'une part, l'arrêt des réarrangements du locus IGH et, d'autre part, le début des réarrangements du locus IGK. Le lymphocyte pré-B se différencie alors en lymphocyte B immature exprimant des IgM membranaires dans lesquelles la pseudo-chaîne légère est remplacée par une chaîne légère kappa ou lambda.

Synthèse d'une chaîne lourde delta : épissage différentiel d'un transcrit V-D-J-Cmu-Cdelta

Au cours de sa différenciation, le lymphocyte B immature devient un lymphocyte B mature qui exprime simultanément des IgM et des IgD membranaires (voir figure 5), les chaînes mu et delta de ces deux classes ayant une région V-D-J identique dirigée contre le même antigène. Ceci peut s'expliquer par la synthèse d'un long transcrit V-D-J-Cmu-Cdelta de 20 kb environ, la distance séparant les gènes IGHM et IGHD (voir figure 7) étant de 6 kb chez l'homme. Un ARN messager mature V-D-J-Cdelta est obtenu par épissage différentiel d'un transcrit primaire V-D-J-Cmu-Cdelta. L'ARN mature est ensuite traduit en une chaîne lourde delta. Les IgD pourraient être obtenues également à la suite d'une communtation de classe (ou switch) faisant intervenir une séquence dégénérée de switch située entre les gènes Cmu et Cdelta.

Un ARN messager mature V-D-J-Cdelta est obtenu par épissage différentiel d'un transcrit primaire V-D-J-Cmu-Cdelta. L'ARN mature est ensuite traduit en une chaîne lourde delta.

Synthèse des chaînes lourdes gamma, epsilon et alpha : commutation de classe

Lors de sa maturation, le lymphocyte passe d'une production d'IgM et d'IgD à la synthèse d'IgG ou d'IgE ou d'IgA (voir figure 5). Ce processus, qui permet le changement de la région constante de la chaîne lourde tout en maintenant l'expression de la même spécificité anticorps et en renforçant même son affinité, est appelé la "commutation" de classe (ou "switch"). L'intéraction entre CD40 et CD40L (CD154) est indispensable à la réalisation du switch et de l'hypermutation somatique qui mettent en jeu également une cytidine déaminase spécifique des lymphocytes B activés.

Cela suppose que des recombinaisons amènent l'ensemble réarrangé V-D-J, préalablement associé au gène IGHM, auprès de chacun des autres gènes constants du locus IGH (figure 6).

Ces recombinaisons sont rendues possibles par l'existence à environ 2 kb en 5' de chacun des gènes IGHC de séquences particulières, dont la participation au mécanisme de commutation de classe leur a valu l'appellation de séquences S (SWITCH). Ces signaux, d'environ 2 kb, sont composés de 20 à 80 bases répétées en tandem. A l'intérieur de ces motifs, on observe plusieurs courtes séquences répétées GGGGT et GAGCT et, près du site de commutation, des séquences TGGG ou TGAG. Enfin des séquences chi, GCTGGTGG, promoteurs de la recombinaison généralisée du phage lambda, ont été décrites dans des séquences S recombinées de souris, sans que l'on puisse préciser leur signification fonctionnelle dans le locus IGH. L'homologie entre Smu et les régions Salpha et Sepsilon est nettement plus importante que celle existant entre Smu et Sgamma3, celle-ci étant de toutes les séquences Sgamma, la plus homologue à Smu. Cette homologie moins forte entre Smu et Sgamma n'empêche cependant pas le switch Smu-Sgamma ; si une nouvelle commutation a lieu, c'est avec une probabilité très grande un autre gène Cgamma (IGHG) qui sera concerné en raison de la formation, lors du premier switch, d'une séquence recombinée Smu-Sgamma qui présente, de ce fait, une homologie très forte avec les autres séquences Sgamma. Des cytokines spécifiques de la commutation vers telle ou telle de classe ou sous-classe ont été décrites: par ex, IL4 pour le switch des IgG4 et IgE, TGFbéta pour celui de IgA1 et IgA2.

Il est possible que des recombinases spécifiques des classes et sous-classes reconnaissent les séquences S correspondantes, par exemple Smu et Salpha, se lient à ces séquences, permettant leur juxtaposition et par suite la recombinaison Smu-Salpha. Une autre interprétation met davantage l'accent sur une activité recombinase reconnaissant les courtes séquences homologues communes à toutes les régions S.

La commutation de classe réalisée grâce à ces régions S entraîne la délétion des gènes IGHC situés entre l'ensemble V-D-J et le gène IGHC utilisé, (figure 6).

Ceci se produit par la formation de boucles de délétion, à la suite du réarrangement entre la séquence Smu et une autre séquence S (Sgamma par exemple, dans le cas d'une commutation IgM-IgG). Lors d'une nouvelle commutation, ce gène Cgamma sera à son tour éliminé et remplacé par un autre gène IGHC localisé plus en 3'.

Immunoglobulines de surface et immunoglobulines sécrétées

Chaînes mu membranaires et sécrétées

D'une manière générale, les chaînes lourdes des immunoglobulines de surface (ou membranaires) des lymphocytes B ont une région C-terminale hydrophobe qui les maintient ancrées dans la membrane plasmique tandis que les immunoglobulines sécrétées par les plasmocytes ont une extrémité hydrophile. La région C-terminale des chaînes mu membranaires (figure 7) est codée par deux petits exons, M1 et M2 situés à environ 2 kb en 3' de l'exon CH4 ; M1 code 39 acides aminés, M2 n'en code que 2. Ces 41 acides aminés représentent l'ensemble du dispositif d'ancrage des chaînes mu membranaires qui comprend une région extracellulaire entre l'extrémité du domaine CH4 et la membrane, une région transmembranaire hydrophobe de 25 acides aminés et une courte région cytoplasmique de 3 acides aminés. La région C-terminale des chaînes mu sécrétées comprend 20 acides aminés codés par l'extrémité 3' de l'exon CH4 (désignée par CHS dans IMGT).

L'expression d'une chaîne mu membranaire suppose l'utilisation d'un site polyA situé en 3' de l'exon M2 et, lors de la maturation du pré-mARN, l'utilisation d'un site d'épissage situé à l'intérieur de l'exon CH4, à la limite 5' du segment CHS. Cet épissage supprime ainsi la séquence CHS et son codon stop ainsi que toute la région comprise entre CH4 et M1. Lors de la synthèse d'une chaîne mu d'IgM sécrétée, c'est le site polyA situé à 103 bases de l'extrémité 3' de CH4 et le codon "stop" à l'extrémité 3' de l'exon CH4 qui sont utilisés (figure 7). Une même cellule peut donc présenter les deux précurseurs ARN mu et l'expression relative des IgM membranaires et IgM sécrétées dépendrait d'un contrôle au niveau de la sélection du site polyA utilisé. L'ARN messager de la chaîne mu sécrétée pourrait aussi provenir d'un épissage différentiel du long transcrit de la chaîne mu membranaire.

Chaînes delta membranaires et sécrétées: maturation différentielle de l'ARN messager

La région constante de la chaîne delta est codée par le gène IGHD. L'organisation de la région 3' du gène IGHD humain est la suivante: un petit exon CHS situé à 1,8 kb en 3' de l'exon CH3 code les 8 derniers acides aminés des chaînes delta sécrétées ; deux autres exons M1 et M2, situés respectivement à 0,8 kb et 1,3 kb en 3' de CHS, codent la région d'ancrage dans la membrane et la région cytoplasmique ; M1 code 52 acides aminés tandis que M2 code 2 acides aminés. Une autre particularité du gène IGHD humain est l'existence de 2 exons pour la région charnière : H1 code les 34 premiers acides aminés et H2 les 24 suivants, les deux derniers acides aminés (cystéine et proline) étant codés par le début de l'exon du domaine CH2.

Le contrôle de l'expression des IgD membranaires et des IgD sécrétées se ferait, comme pour les IgM, au niveau de la maturation de ce messager et de la sélection des sites polyA en 3'. La synthèse d'une chaîne delta suppose que, lors de l'épissage, une région importante du transcrit correspondant à IGHM soit éliminée. La synthèse de la chaîne delta membranaire peut s'expliquer par l'utilisation du site polyA en 3' de l'exon M2 du gène IGHD. La synthèse d'IgD sécrétée suppose l'utilisation du site polyA en 3' de CHS.

Exclusions allélique et isotypique, chronologie des réarrangements

Les lymphocytes B matures, et les plasmocytes qui en dérivent, montrent des phénomènes :

Les mécanismes de ces phénomènes sont encore mal connus et l'explication encore imparfaite. Cependant, les études d'hybridation moléculaire ont montré que l'allèle exclu est soit non réarrangé, soit réarrangé de manière non productive, soit même parfois délété. De même, l'isotype exclu peut être soit non réarrangé (cas des locus IGL dans les cellules synthétisant les chaînes kappa), soit délété ou réarrangé de manière inefficace (cas des locus IGK dans les cellules synthétisant les chaînes lambda).

Lors de la différenciation d'un lymphocyte B, le locus IGH de l'un des chromosomes 14 subit en premier lieu un réarrangement D-J puis V-D-J. Un réarrangement productif permet la synthèse de chaînes lourdes mu dans le cytoplasme des cellules pré-B. Les chaînes mu sont exprimées à la surface des cellules pré-B en association avec une chaîne lambda-like et une chaîne V pré-B (figure 8). L'apparition d'IgM de surface, dans un stade de différenciation ultérieur, suppose la synthèse des chaînes légères kappa ou lambda habituelles, c'est-à-dire un réarrangement V-J productif des locus IGK ou IGL. Chronologiquement les réarrangements V-J des locus IGK précèdent ceux des locus IGL. Un des chromosomes 2 sera d'abord réarrangé. Si le réarrangement V-J ainsi obtenu est productif, des chaînes légères kappa seront synthétisées, ce qui permettra la production d'IgM fonctionnelles, l'autre chromosome 2 ainsi que les deux chromosomes 22 restant non réarrangés. Si le premier réarrangement n'est pas productif, l'autre chromosome 2 puis les chromosomes 22 seront réarrangés à leur tour jusqu'à l'apparition d'un réarrangement permettant la synthèse d'une chaîne légère. C'est l'apparition d'un anticorps fonctionnel à la surface du lymphocyte B qui est le signal empêchant d'autres réarrangements V-J.

En résumé, dans une cellule productrice d'anticorps, un seul chromosome 14 est productif (c'est-à-dire exprimant une chaîne mu fonctionnelle) et un seul chromosome 2 ou 22 est réarrangé de manière efficace (permettant la synthèse d'une chaîne légère kappa ou lambda). Les gènes des Ig sur les autres chromosomes sont soit non réarrangés, soit réarrangés mais non productifs, soit délétés.

Régulation de l'expression des gènes des Ig : activateurs de la transcription

Pour qu'il y ait synthèse de chaînes complètes lourdes et légères d'Ig, il est nécessaire qu'il y ait au préalable un réarrangement V-D-J du locus IGH et V-J de l'un des locus IGK ou IGL, les ensembles V-D-J-Cmu du locus IGH et V-J-C des locus IGK ou IGL étant alors transcrits. Le taux de transcription faible dans les premiers stades de développement de la cellule B devient ensuite très élevé dans les plasmocytes résultant de la prolifération clonale.

Les gènes V possèdent une séquence promoteur en 5' de leur séquence signal et sont transcrits avant leur réarrangement ; cette transcription, qui correspond à une ouverture de la chromatine et donc à une meilleure accessibilité de l'ADN, reste cependant faible. Par ailleurs, les gènes C sont transcrits en l'absence de réarrangements mais les transcrits sont dégradés dans le noyau. Lors du réarrangement, lequel crée un ensemble V-J-C dans le locus IGK ou V-D-J-Cmu dans le locus IGH actif, la séquence en 5' du gène IGKV ou IGHV n'est pas modifiée mais elle se trouve rapprochée des séquences situées en 3' des gènes IGKJ et IGHJ. C'est là que la présence d'activateurs de la transcription (ou "enhancers") a été démontrée, pour la première fois dans l'ADN des cellules eucaryotes. Par des approches différentes plusieurs groupes ont simultanément montré qu'un segment d'ADN, situé entre le gène IGHJ le plus en 3' et la séquence de switch Smu est non seulement capable d'augmenter la transcription, mais possède les propriétés des activateurs décrites chez les virus. Ces activateurs peuvent activer la transcription, quelles que soient leur orientation et leur position en 5' ou 3' par rapport au promoteur du gène, mais ils n'agissent que sur les promoteurs en cis, c'est-à-dire situés sur le même chromosome ; ils peuvent également agir in vitro sur des gènes autres que ceux avec lesquels ils sont normalement associés et augmenter leur transcription, même s'ils sont distants de plusieurs kb du gène.

Lors de la commutation de classe, l'activateur, localisé à plus de 1 kb en 5' de la séquence Smu, n'est pas éliminé et peut être utilisé pour l'expression de toutes les classes et sous-classes de chaînes lourdes (voir figure 6). La présence d'un tel activateur a également été démontrée entre le gène IGKJ le plus en 3' et le gène IGKC. La jonction V-J ou V-D-J en diminuant la distance entre le promoteur du gène V et l'activateur permettrait l'interaction de facteurs se liant à ces séquences, avec pour conséquence une transcription importante de l'ensemble réarrangé V-J-C ou V-D-J-C mu. Les autres gènes V situés en 5' du gène réarrangé, trop éloignés de l'activateur restent inactifs. Un second activateur a été décrit en 3' du gène IGKC et du gène IGHC le plus en aval (IGHA chez la souris, IGHA2 chez l'homme). Un activateur a également été localisé dans le locus IGL humain en 3' de IGLC7 le gène le plus en aval.

La propriété la plus intéressante de l'activateur des gènes des Ig est sa spécificité tissulaire. Très actif dans les cellules qui normalement sont capables de produire des anticorps (cellules de la lignée lymphoïde B), il est au contraire inactif (ou son activité est très fortement diminuée) dans les fibroblastes de la même espèce.

Cette spécificité est le résultat de facteurs, présents seulement dans les lymphocytes B, spécifiques de certaines séquences de l'activateur et capables ainsi de réguler l'expression des gènes des Ig pendant la différenciation de ces cellules.

Created:
30/05/2001
Last updated:
22/09/2023
Authors:
Elodie Foulquier and Marie-Paule Lefranc
Editor:
Chantal Ginestoux